L’Amérique des écrivains : La seule différence entre Ernest J. Gaines et moi 🎧🖋️

Pourquoi un blog ?

Il se trouve que j’ai démarré l’écriture, depuis 4 ans (déjà ?), d’un conte « Les Histoires vraies du Bougreloche », qui n’est toujours pas terminé.

Tenir un blog est, curieusement, la façon que j’ai trouvée pour aller plus vite, pour accélérer le processus.

Mon idée, au départ, il y a quelques mois, était d’y publier mes avancées (pour me contraindre à avancer!) et d’y recenser les techniques d’écriture (et de réécriture) qui marchent afin de les partager avec d’autres apprenti(e)s auteur(e)s.


A propos de ce mot, « auteur »…  Auteure, autrice… La controverse fait rage.  Autrice serait plus conforme à la règle de formation de la langue française. Soit. C’est une règle qui souffre de nombreuses exceptions. Dans autrice, j’entends « eau triste ». Quelque chose de plat, de sombre et de mort. Dans auteure, j’entends « hauteur », promesse d’élévation et de neiges éternelles. Ce n’est pas toi qui me contredira, amie lectrice, toi qui comprends si bien le langage des oiseaux. J’ai tranché. Ce sera auteure.


En même temps, ces techniques d’écriture qui marchent, je les aurais utilisées pour écrire un roman.

Pour les conseils d’écriture, je me suis tournée plutôt vers des auteurs accomplis, publiés, irréfutables. Les autobiographies ne font pas défaut. Les auteurs sont bavards, au moins sur le papier. Voila qui fait mon affaire.

Ceci mis au point, voyons comment ils s’y prennent, ces auteurs accomplis.

 

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L’Amérique des écrivains

Par pur hasard j’ai choisi pour débuter les écrivains américains.  Pour effectuer mon analyse, je me suis appuyée sur « L’Amérique des Écrivains« , de Pauline Guéna et Guillaume Binet.


Pauline Guéna (Fleuve (2005, Prix du Premier Roman) et Guillaume Binet, respectivement écrivaine et photographe, ont publié chez Robert Laffont un magnifique bouquin que je vous recommande de vous procurer si vous voulez comprendre comment écrire « comme un écrivain américain ».

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Pour écrire « L’Amérique des Écrivains » (sous-titré road trip, Prix des Lectrices de Elle), le couple a effectué un grand périple en famille et en camping-car, tout autour des États-Unis et du Canada, pour y rencontrer tous les écrivains qui ont accepté un entretien.

Les photos de Guillaume, mystérieuses et poétiques, nous immergent avec beaucoup de douceur dans l’ american way of life. Les brèves transitions écrites par Pauline entre deux rencontres sont elles-mêmes un voyage en écriture, une belle découverte en ce qui me concerne.

Les entretiens de Pauline avec Laura Kaschicke, Russel Banks, Richard Ford ou encore Denis Lehane -ils sont 26 à avoir dit oui- nous en apprennent beaucoup sur l’art de l’écriture.


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Comment démarrent-ils ?

Je suis subjugué(e) depuis longtemps par la langue de Gilles Archambault, le savoir-faire de Margareth Atwood, la puissance de Dinaw Mengestu. T.C Boyle me transporte, Georges Pelecanos m’embarque, Craig Davidson me fait voyager.  Mais mon maître absolu, c’est James Lee Burke (et Christophe Mercier, le traducteur de James Lee Burke, car je le lis en français).

Écrire comme James Lee Burke et mourir, c’est le programme que je me suis fixé. Écrire, tout de suite. Mourir, beaucoup plus tard.

Après lecture et analyse des recettes de vingt-six écrivains américains grâce à L’Amérique des Écrivains, je suis soulagée d’un grand poids.

Il y a, comme souvent, une mauvaise nouvelle et une bonne.

La mauvaise nouvelle

La marche à suivre infaillible, la progression étape par étape que l’on m’a conseillée sur le dernier blog littéraire cherchant à me vendre du coaching n’existe pas.

C’est du pipeau.  De la bouillie pour les chats.  La recette parfaite de l’écriture de roman n’est pas de ce monde.  Hélas, on n’écrit pas de la fiction comme on écrit un article de blog.


Pour un article de blog, c’est simple. Long, mais simple. Il suffit de : Trouver le sujet, se renseigner sur ce que les lectrices potentielles veulent savoir ou comprendre, faire une recherche et collecter des informations, analyser les informations, se faire un avis personnel sur le sujet, puis structurer ton texte en paragraphes en prenant soin de bien chiader tes titres et sous-titres pour faciliter la lecture en diagonale, écrire entre les sous-titres, autrement dit, boucher les trous, relire, vérifier l’orthographe, la syntaxe, le niveau d’écriture, rechercher des photos libres de droits pour illustrer ton article, ce qui est vivement conseillé sur internet.

Pour un rapport ou une thèse de doctorat sur n’importe quel sujet, c’est exactement la même démarche, en plus fouillé. Mais non, non, non. Ça ne marche pas pour de la fiction.


 

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C’est merveilleux, n’est-ce pas ? Oui, ça, c’est la mauvaise nouvelle.  Elle est bonne, non, je vous ai bien eu(e )?

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Pour écrire de la (bonne !) fiction, aucune méthode n’est infaillible. Ce qui ne veut absolument pas dire qu’il n’y ait pas un certain nombre de techniques sur lesquelles s’appuyer.

Puis nous arrivons au meilleur moment, la bonne nouvelle.

La bonne nouvelle

Je suis LIBRE, entièrement LIBRE, absolument LIBRE. C’est ce que me disent tous ces écrivains.

La liberté, ça me va. C’est bien sûr aussi pour ça que j’écris. Certes, un peu de structure ne fait pas de mal, il a pu m’arriver par le passé d’utiliser une to-do-list. Mais ce n’est pas ce qui met mes neurones en cavale. Mon inconscient ne fonctionne pas comme ça, et pour écrire, bien, un bon roman, j’ai besoin de tout mon inconscient.

Dans mon inconscient se trouvent, entre autres choses, mes envies et mes besoins d’écriture, des personnages, les actions qu’ils commettent, les chemins qu’ils arpentent.

Mon boulot à Moi, en tant qu’écrivain, c’est tirer sur le fil de l’inconscient et les sortir de là pour leur conférer une existence, palpitante ou poignante.

Je dois les mettre au monde. Écrire un roman, c’est accoucher.

La bonne nouvelle, c’est que je suis libre d’accoucher à mon rythme.

Je peux choisir le lieu, l’heure, la fréquence, la construction… qui me conviennent !

Ma façon à moi sera la bonne ! La façon qui me ressemble. Pas besoin de m’astreindre à de longues séances de travail dès cinq heures du matin si c’est le moment ou de balader mon chien.

Rien ne m’impose de connaître toute l’histoire dans ses moindres détails avant de débuter, s’il y a deux scènes centrales qui sont écrites dans ma tête depuis des années mais que je ne connais rien d’autre.

Il n’y a aucune obligation de contrôler tout de a à z pour commencer, bien au contraire.

Pour beaucoup d’écrivains américains, les tentatives de bâtir le plan d’un roman avant d’en attaquer l’écriture se sont soldées par des échecs cuisants.

Diable, on ne devient pourtant pas James Lee Burke en claquant des doigts.

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Quelques exemples tirés de l’Amérique des écrivains


DENIS LEHANE (Ce Monde disparu, Un Pays à l’aube)

« Je sais quelques trucs. Admettons, pour simplifier, qu’il y ait 26 étapes dans la construction d’une intrigue, nommées de A à Z. J’ai besoin de connaître A, pour commencer. M pour me diriger quelque part. Et X, une chose qui se passe à la fin. C’est tout. Le reste se dessine au fur et à mesure que j’avance. Quand je fais des plans, ils me brident, ils me retardent. »


MARGARETH ATWOOD (La Servante écarlate, C’est le Cœur qui lâche en dernier)

De son propre aveu, a essayé une fois de faire un plan et c’était un échec. Elle n’a pas terminé le roman car ça ne marchait pas.

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RON RASH (Un silence brutal, Serena)

Commence avec une image. Jamais de plan.


WILLIAM KENNEDY (L’Herbe de Fer, Billy Phelan)

Invente l’intrigue au fur et à mesure. Il dit à Pauline « ça s’invente« .


CRAIG DAVIDSON (De Rouille et d’Os, Cataract City)

Laisse une idée s’installer puis commence un jour d’écrire. Rien de plus.


MARTIN WINCKLER (La Maladie de Sachs, Les Invisibles)

Avoue avoir besoin d’avoir le début et la fin.


RICHARD FORD (Canada, Indépendance)

A besoin de savoir où il va avant de commencer, mais avoue que ça ne se finit pas toujours comme il pensait au début. Il commence avec un titre en tête, qui n’est pas forcément celui qui sera retenu lors de la publication.


GEORGES PELECANOS (The Wire, Treme…Hard Révolution, Le Chien qui vendait des chaussures)

Prépare une documentation complète avant de démarrer l’écriture, mais il ne sait rien de l’intrigue au moment où il commence.


ERNEST J.GAINES (Colère en Louisiane, Dites-leur que je suis un homme)

Fait un plan, puis l’oublie. Il dit : « un livre, c’est comme un voyage en train. On va aller à New York en train. On sait que des passagers vont monter, d’autres descendre. Mais on ne sait pas comment ils seront habillés, où ils vont s’asseoir, ce qu’on va manger… On ne connaît aucun des détails. Mais on va bien à New York. Enfin parfois on atterrit à Philadelphie.« 


La seule différence entre Ernest J. Gaines et moi

C’est rassurant, n’est-ce pas ? Si même lui ne sait pas où il va atterrir, je pense que je peux moi aussi monter dans le train, non ?

A ce stade, la bonne nouvelle, c’est que la seule différence entre Ernest J. Gaines et moi c’est que lui, il s’assoit, il écrit, il ne lâche pas l’affaire avant d’avoir complètement déroulé le fil de l’inconscient et accouché d’un nouveau bébé pétant de santé et promis à un bel avenir.

La bonne nouvelle, la très bonne nouvelle, c’est que ma façon de faire sera la bonne.

Je m’assieds.

J’écris.

C’est tout.

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C’est un atelier d’écriture créative en ligne où sont publiés et commentés de nouveaux exercices plusieurs fois par semaine.

a tout de suite de l’autre côté
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14 réponses à “L’Amérique des écrivains : La seule différence entre Ernest J. Gaines et moi 🎧🖋️”

  1. Merci pour cet article ! Pas de remèdes miracle, juste écrire et écrire avec ce que l’on est. Bravo pour cet article et aussi parce que tu as maintenu dedans l’intrigue jusqu’à la fin ?

  2. Personnellement, j’écris parce que j’ai besoin d’évacuer ce que j’ai en tête. C’est la raison pour laquelle je fais un blog, il y a toutes ces idées, ces choses auxquelles on pense, que je dois mettre sur papier. Je me sens tellement mieux après 😀

    Concernant la rédaction d’un roman de fiction, je me dis qu’un jour, peut-être, j’embarquerai dans ce train à destination de New York. Et peu importe qu’il y arrive ou pas… le voyage lui-même en vaudra la peine !

    Merci pour cet article que j’ai réellement apprécié. Bonne continuation à toi !

    1. Merci Cédric. A bientôt à New-York. Ou ailleurs.

  3. Très bel article, qui sonne très juste. Comme toi et Carine Poirier j’ai depuis longtemps choisi le terme auteure, l’autre a tendance à me faire grincer des dents, (j’espère qu’aucune de mes amies « autrices » et tellement fière de ce titre ne passeront par là 😉 )
    Je ne me considère pas comme une auteure, car comme tu le dis très justement, le travail de blogueuse et d’auteure n’est pas le même. Je suis plutôt du genre lectrice boulimique.
    Parfois il m’arrive d’écrire de courts textes, car des personnages me hantent, jusqu’à ce que je me décide à écrire leur histoire. Mais dans c’est cas là, j’écris pour aider les enfants. Bonne continuation.

    1. Bonjour Mickaline,
      Merci pour ton commentaire… qui me fait penser que j’étais en train de me demander si je ne créerais pas un groupe FB pour pouvoir y poster des textes tels que les tiens, des textes d’auteur.e.s occasionnels. Dis-moi. Si tu avais l’occasion de publier ce que tu écris, le ferais-tu ?

  4. Oui Sylvie c’est exactement ça écrire ! Un travail de titan car l’inspiration ne vient pas comme cela toute seule (sauf sous la douche ou en pleine nuit évidemment, la phrase qui tue s’imprime dans ton cerveau mais tu l’auras oublié quand tu reviendras t’assoir à ton bureau…).
    Rien ne vaut le travail. Les auteurs les plus talentueux sont aussi des gens qui passent leur temps à écrire et, ainsi, à se perfectionner sans cesse.
    Mais quand l’écriture est une passion, ce n’est plus forcément ressenti comme un travail.
    Bon courage à toi sur ce long chemin.
    PS : J’ai personnellement choisie « auteure » et non « autrice », une sorte d’hommage à nos amis francophones outre-Atlantique qui ont féminisé le nom des métiers avant que nous nous y mettions de notre côté. De plus, j’aime cette évolution du mot qui n’est que le reflet de son histoire. 🙂

  5. pierrefavrebocquet dit :

    Ecrire douze chapitre 1. Tu m’as touché en disant cela :-), parce que je m’y reconnais.
    J’aime écrire pour inventer et pour préciser une pensé. Mais je préfère de loin la parole qui est une improvisation et qui nous mènent vers des horizons insoupçonné.
    Cette citation « De son propre aveu, a essayé une fois de faire un plan et c’était un échec. Elle n’a pas terminé le roman car ça ne marchait pas. » me rassure. Alors, merci.

    1. La parole est une improvisation, certes… c’est aussi, souvent, ce qui se produit lorsque je démarre l’écriture d’une nouvelle avec juste une idée… J’improvise une suite.

  6. Superbe article!!
    Merci de nous ouvrir ton monde et de nous faire partager ta passion! Un vrai privilège pour nous. Et bravo pour cette belle mission que tu t’es lancée.

    1. Merci pour tes encouragements, j’en aurais sûrement besoin en cours de route.

  7. Excellent article juste et pertinent
    Étant musicien et créatif depuis le début de la vie je me retrouve de façon plus posée et profonde par l’écriture

  8. Parents en Equilibre dit :

    Plutôt rassurant de savoir que de grands noms partent aussi à l’aventure sans savoir exactement ce qu’ils vont écrire ! C’est à peu près ce qu’il m’arrive à chaque fois que j’écris !

    J’écris pour dire mes ressentis
    J’écris pour transmettre
    J’écris pour toucher, peut-être,
    J’écris pour raconter
    J’écris pour laisser une trace

    🙂

    1. Il y a tant de raisons, toutes bonnes ! Merci pour ton témoignage.

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