Les 10 commandements de l’écrivain 🎧🖋️

ÉCRIRE DE LA FICTION, C’EST JOUER A DIEU.

L’écrivain est celui qui crée des personnages et les anime. Il choisit les lieux, les actions, les costumes et les décors, tous les détails des situations susceptibles de rendre le récit passionnant. L’écrivain joue à Dieu, avec jubilation. Dans le meilleur des cas, s’il est bon, s’il joue bien, sa création prend vie et les êtres de papier commencent à user de libre arbitre. L’intrigue s’écrit toute seule. Ne lui « reste que » la question du style, à polir longuement en tête-à-tête avec lui-même.

Dans ce blog,  Dieu, c’est Moi. Et comme je suis Dieu, je vous tutoie. C’est parti.

Voici les tables de Ma loi.

Commandement n°1 – SOIS SINCÈRE

N’essaye surtout pas d’écrire à tout prix sur un sujet qui ne t’intéresse qu’à moitié, sous prétexte que c’est ce qui marche cette saison. Mets autant de toi que tu le peux dans ton roman, c’est ce qui fera son originalité, sa force.

Crois en ce que tu écris. Comment savoir si ça vaut le coup ? Facile ! Si lorsque ta séance d’écriture est terminée, tu te sens bien, léger, joyeux. Si tu as le sentiment d’avoir bien travaillé. Si tu n’as pas senti passer la journée et que tu es tout étonné qu’il soit déjà 17 heures, c’est bon signe. Tu es sur le bon chemin.

Ça ne veut pas forcément dire que c’est bon, mais prendre du plaisir est une condition nécessaire (pas suffisante).

Commandement n°2 – SOIS LUCIDE

Sois honnête avec toi-même. Avec les autres aussi, bien sûr, mais commence donc par toi, comme tu le sais déjà, tu ne seras jamais si bien servi que par toi-même, ce serait dommage de tout faire foirer par complaisance ou pire, par paresse.

La complaisance est ton ennemie, à chaque étape de ta vie. Relis-toi honnêtement. Quand ça ne marche pas, tu le sais. Tu vois bien quand quelque chose cloche, que ton texte ne tient pas la route, que l’idée était mauvaise. Ne t’obstine pas. Ça arrive. Ce n’est pas grave.

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Pas la peine d’y passer des heures pour redresser une image bancale. Glisser en aparté une leçon de morale au milieu d’une course de chevaux, c’est gonflé. C’est aussi très difficile, comment faire pour ne pas interrompre l’action palpitante qui se déroule sous nos doigts ?

Caser absolument ce jeu de mots auquel tu tiens ne rendra pas ce passage meilleur. Bien au contraire, cela risque fort de l’affaiblir. Range ta plaisanterie dans ta culotte, si elle y fait trois petites crottes, tant mieux.

Laisse tomber. Passe à autre chose. Oublie. Si ce que tu voulais dire est important pour la suite, ça réapparaîtra  à un autre moment.

Concentre-toi uniquement sur ce qui marche.

Commandement n°3 – ABANDONNE L’ENVIE DE TOUT CONTRÔLER

Du moins pendant l’écriture du premier jet. Les relectures successives permettront d’entrer dans le détail et d’apporter autant de contrôle que tu le souhaites.

Pour le premier jet, laisse couler.

Tu risques de tarir la source en revenant sans arrêt en arrière pour modifier un verbe, une tournure. Laisse-toi surprendre par ce qui s’écrit sous tes doigts, suis le fil de ton inconscient, il est ton meilleur ami.

Ne t’inquiètes pas, si ça ne marche pas, tu pourras toujours couper. Tout le monde le fait. Ce n’est pas une honte, c’est ce qui fait tout l’art de l’écriture. C’est ce qui rendra ton texte si vrai que ton lecteur y croira, si limpide, qu’il en redemandera.

Commandement n°4 – SOIS COMPRÉHENSIBLE

Utilise des mots que tout le monde comprendra. N’étale pas ta science pour le plaisir. Bien sûr, un peu d’érudition n’est pas superfétatoire, mais n’oublie pas que tu écris de la fiction, pas une thèse de doctorat. Un paragraphe de 10 lignes comportant 5 mots « savants », c’est beaucoup trop. Ton lecteur (qui est à 70% une lectrice, je te le rappelle, ce qui n’a d’ailleurs aucun rapport avec son niveau de langage présumé, ne me fais pas dire ce qui ne m’a jamais effleuré) attend de toi que tu l’emportes ailleurs, que tu fasses battre son cœur plus vite, que tu lui mettes l’eau à la bouche, que tu le fasses éclater de rire… Que tu le passionnes, en un mot. Pas que tu l’obliges à te lire avec wikipedia sous le coude.

Bien sûr, si tu écris Le Comte de Monte-Cristo ou Les Liaisons dangereuses, tu veilleras à mettre dans la bouche de tes personnages des tournures de phrases qui sonnent juste dans leur époque. Si tu relates la palpitante aventure de Maître Capello AU XXIe siècle, tu t’assureras que tes dialogues font bien ressortir toute l’incongruité du personnage dans notre société 2.0.

A part ça, je t’en prie, sois clair. Choisis tes mots avec soin et arrange-toi pour que ça ait l’air naturel.

Gustave Flaubert himself passait tous ses textes au « gueuloir », méthode qu’il avait inventée pour s’assurer que sa prose sonnait juste.

Sans indisposer tes voisins, tu peux faire de même avec modération.

Commandement n°5 – NE DIS PAS TOUT

Ne passe pas ton temps à tout décrire exhaustivement, n’use pas ta créativité en explorant les moindres recoins de tes personnages et de leurs faits et gestes pour les rendre plus vrais.

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As-tu beaucoup lu de (bons) livres où l’auteur te confie combien de fois par jour le personnage principal va aux toilettes ?

A l’opposé combien as-tu feuilleté de (mauvais) livres où l’auteur s’étale dans des descriptions à n’en plus finir ?

Coupe sans pitié tout ce qui est sans intérêt. Sois léger. Dis le minimum.

Ce qui fait avancer l’action. Ce qui éclaire un pan de caractère. Ce qui donne à réfléchir. C’est bien suffisant.

Laisse du travail à ton lecteur. Lui aussi, il a de l’imagination.

Ne t’en fais pas, il remplira les blancs.

Commandement n°6 – ÉPURE

Épure au maximum. Ne cherche pas à faire joli. N’écris pas un mot que tu n’emploierais pas dans la vie. Tu dois trouver ta voix d’auteur, la plus naturelle possible.

À la relecture, coupe les mots en trop, les « et » qui se répètent, les « mais » qui ne servent à rien, les « que, qui » alourdissant ton texte. Gaffe au participe présent. Attention aux adverbes et aux adjectifs. Méfie-t’en comme de la peste.

Assure-toi qu’ils soient bien à leur place. Si ta phrase tient le coup sans eux, supprime-les sans pitié.

Le mot juste, c’est juste un mot.

Commandement n°7 – NE LÂCHE PAS LE FIL

Même si ta vie trépidante ne te permet pas d’écrire quotidiennement, prends quelques minutes pour relire ce que tu as écrit la veille. Même si tu n’ajoutes rien. Même si tu n’y fais pas de corrections. Il est primordial de maintenir l’arc de ta créativité bandé, prêt à tirer.

Ton cerveau n’a qu’une seule activité, en réalité, c’est de fermer des boucles. Mais il est capable d’apprentissage, si tu l’entraînes il les fermera de mieux en mieux. Il est aussi capable de plasticité. Si tu te concentres trop longtemps sur un autre sujet, sans jamais revenir sur ton récit, il fermera des boucles relatives à l’autre sujet.

Vois comme l’enchaînement de tes pensées devient chaotique quand tu t’éparpilles en de multiples activités, par choix ou par obligation.

Entraîne ton cerveau en revenant chaque jour sur ta fiction, d’une manière ou d’une autre, pour le garder alerte et plein d’inventivité. Renforce les connexions qui lui permettent de tirer de ton inconscient la substantifique moelle de ton récit.

L’écriture d’un roman est un long processus durant lequel chaque instant de cerveau disponible est consacré à tirer les fils de l’histoire. C’est passionnant. Ça n’est pas douloureux. C’est juste un peu de discipline, pour beaucoup de satisfaction.

Commandement n°8 – NE DONNES PAS A LIRE UN TEXTE QUI N’EST PAS TERMINE

Même pas à ton chéri, même pas à ton fils, même pas à ta mère. Si ton lecteur te dit « bof » ou pire, si toi, qui le connais si bien, tu t’aperçois qu’il ne veut pas te faire de peine, c’est la porte ouverte au blues de l’écrivain.

Peut-être même que ton inconscience vient de provoquer une crise familiale, à propos de laquelle tu pourras toujours écrire un jour, certes, mais était-ce bien nécessaire à ce stade?

C’est aussi le meilleur moyen pour te faire douter et le doute est ton ennemi. La lucidité, oui. Le doute, non, non, non.

Et si ton lecteur te dit « c’est bon », tu prends le risque de t’endormir sur tes lauriers si facilement gagnés, de ronronner, satisfaite. Pouah! Très mauvais pour la suite. Tant que le premier jet n’est pas achevé, garde-le pour toi.

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Veille sur ton enfant, couche-le contre ton sein et berce-le. Il sera toujours assez tôt de le voir partir dans le monde lorsqu’il aura atteint sa maturité. L’écriture est un processus lent se déroulant dans le silence et qui demande à être protégé.

Commandement n°9 – LAISSE PARLER TES DOIGTS !

Tu avais deux grandes peurs avant de t’y mettre vraiment.

D’abord, comment construire une intrigue qui tient debout, boucher les trous entre les scènes que tu connaissais déjà pour obtenir une cohérence qui donne force à ton récit?

Ensuite, comment tenir la distance sans se décourager et en venir à bout, si possible sans trop de souffrances?

Jubile ! Observe comment ces problèmes se résolvent, presque par enchantement, dès que tu appliques les 8 commandements ci-dessus.

Vois naître sous tes doigts, du seul fait de t’y mettre enfin, l’enchaînement que tu cherchais à construire dans ta tête depuis des mois. Laisse-les faire, ils savent, tes doigts. Tout ton corps sait. Ton corps ne ment pas.

En permanence connecté à ton inconscient, ton corps est informé, chaque microseconde, de ce que tu trames sans le savoir. Laisse-le s’exprimer par le bout de tes doigts et il t’apportera d’excellentes surprises que tu seras bienheureuse de recevoir.

Des solutions.

Commandement n°10 – ASSIEDS-TOI ET ÉCRIS.

C’est le plus important. Si tu devais n’en retenir qu’un, que ce soit celui-là.

Commence, que tu croies savoir où tu vas ou pas.

Continue, ne te laisse pas abattre par les difficultés du chemin. Tu ne sais comment poursuivre, mais assieds-toi et laisses courir tes doigts sur le clavier, quoi qu’il en sorte.

La pompe est en train de se réamorcer.

Tu pourras toujours supprimer tout ou partie selon ton désir.

Reviens-y dès que tu as un moment.

Persévère.

Assieds-toi.

Écris.

C’est tout.

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a tout de suite de l’autre côté
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6 réponses à “Les 10 commandements de l’écrivain 🎧🖋️”

  1. TONDU Michelle dit :

    Je ne suis pas d’accord non plus pour le commandement qui dit de ne pas donner son texte à lire. Personnellement, ça m’a beaucoup aidé :
    – à me rassurer et à continuer à être motivé
    – à m’améliorer tout au long de la rédaction et donc réduire le travail de correction
    – à avoir de nouvelles idées pour mon manuscrit

    1. Bonjour Michelle,
      Il ne s’agit pas de ne pas donner son texte à lire, mais de ne pas le donner avant d’avoir fourni soi-même le meilleur travail possible. Je comprends que vous avez cherché de l’aide durant la rédaction car vous étiez trop peu ou pas du tout préparée à écrire, ce qui est le cas de beaucoup de primo-romanciers. Dans ce cas on se pose effectivement beaucoup de questions et le chemin n’est pas facile.

  2. Parents en Equilibre dit :

    Salut, un commandement qui me semble délicat c’est ne pas faire lire tant que ce n’est pas fini. Car on ne sait pas toujours si le texte est fini et le retour des autres nous aide souvent à améliorer et corriger ce qui, peut-être, n’est pas clair. Lorsque je participais à des ateliers d’écriture, nous nous lisions nos textes et nous faisions au moins un retour ce qui avait été compris/pas compris, et plus tard sur ce que nous avions ressenti.

    1. Je veux dire « tant que ce n’est pas fini, POUR TOI », c’est-à-dire tant que tu as l’impression de pouvoir aller plus loin, tant que tu n’as pas donné le meilleur du meilleur. Je ne veux surtout pas dire qu’il ne faut pas le faire lire avant sa publication. Au contraire. Il faut toujours un voire deux « bêta » lecteurs, c’est-à-dire des personnes qui vont pouvoir faire un retour sur le texte et mettre en évidence ce les éventuels points à améliorer. Ce qui te pousse ensuite à retravailler encore telle ou telle partie. Sans ce retour sincère, impossible de remettre en question quoi que ce soit, ce qui est l’essence même du processus d’amélioration.

    1. C’est ce qui fait la différence entre les mauvais auteurs et les bons… Non, je plaisante. Il faut écrire et laisser reposer. Ne pas se relire sans cesse, c’est épuisant. Plutôt attendre quelques jours, voire plus, pour pouvoir se relire avec un œil neuf. Là on voit tout de suite ce qui n’est pas bon. Quand on n’est pas sûr on peut attendre plus longtemps. Je viens de reprendre un texte que j’ai écrit il y a quatre ans et que j’avais fichu dans un coin. L’idée est toujours aussi bonne (selon moi) mais beaucoup de choses ne fonctionnent pas comme j’en avait l’impression. C’est parce que j’ai, moi aussi, 4 ans de plus. Je suis la même, et pourtant non. J’ai pas mal coupé de fioritures dans ce texte, pour rester plus près de mon personnage.

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