đ§đPodcast Les Histoires vraies du Bougreloche [#2]
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Le messager
Le ciel rosissait de plaisir devant le jour naissant et la fĂȘte tirait Ă sa fin. Merlun et Cokine sâĂ©taient retirĂ©s dans leurs appartements. Le signal Ă©tait clair. Il fallait rentrer chez soi. La grande galerie du chĂąteau avait encore une fois accueilli tout ce que Salazar comptait de particules, majuscules, start-up et tartelettes. Ătaient lĂ le Specteur dâAcadĂ©mie et sa clique, le Recteur du National Teat et sa claque, lâArchipontife basilicum et ses cloches. Le ban et lâarriĂšre-ban. Tout ce que le royaume comptait de vendeurs de pistaches, de mirlitons et de produits Ă usage rĂ©crĂ©atif avait investi les jardins. Le petit peuple de Salazar sâĂ©tait rempli la panse et les yeux. RassasiĂ©, on sâendormait dans les buissons. Certains avaient plantĂ© leur tente. Quelques irrĂ©ductibles soliloquaient encore dans le vide. Thons, barbeaux, morues et maquereaux avaient depuis longtemps cessĂ© de frĂ©tiller du cĂŽtĂ© des cuisines.
Dourakuire, lĂ©gĂšrement arquebusĂ© mais toujours bon pied bon Ćil, sâapprĂȘtait lui aussi Ă rejoindre ses quartiers, avec le soutien sans faille de son smoac. Il en fut empĂȘchĂ©. Dans le plus grand mĂ©pris des rĂšgles du protocole, un messager venait dâĂȘtre dĂ©posĂ© sur lâaire dâatterrissage de la tour Est par une gigogne argentĂ©e, sans quâaucune visite eut Ă©tĂ© annoncĂ©e. Il arrivait de Loindukonte, en urgence, porteur de nouvelles dâune extrĂȘme gravitĂ©. Certes, on nâentreprend pas un tel voyage, de nuit, sans raison sĂ©rieuse. DĂ©jĂ , en plein jour, le survol des Troisixes est dĂ©conseillĂ© aux gigognes inexpĂ©rimentĂ©es, Ă cause des vents coulis et des caprices de la mĂ©tĂ©o Ă cette altitude⊠Mais de nuit ! Pour mĂ©moire, la chaĂźne des Troisixes sâĂ©tire sur plus de six cents lieues et culmine Ă six mille pieds au Pic de La Mirandole. Elle enserre ToukontefĂ© dans sa muraille de pierre Ă lâouest et au sud, oĂč sont les falaises tombant directement dans les flots en furie, et Ă lâest, oĂč se trouve Loindukonte, dont vient le messager. Cet atterrissage nocturne avait de quoi laisser perplexe. Quâest-ce quâil veut ? Quâest-ce quâil a ? Qui câest celui-la ?
On tira de leur lit leurs royales majestĂ©s. Il fallut insister, mais enfin, le messager refusait de parler en dehors de la prĂ©sence des souverains. Les formules de politesse expĂ©diĂ©es, il dĂ©livra enfin son message. Puis il se jeta sur un fut de biĂšre, quâil engloutit sans reprendre son souffle â et sans quâon lui fit aucune remarque, car on sait vivre, Ă ToukontefĂ©. AprĂšs quoi il fut secouĂ© par le hoquet toute la journĂ©e, quâil passa Ă uriner au pied des arbres, accomplissant le tour de la propriĂ©tĂ© dans le sens des aiguilles dâune montre puis dans le sens inverse. Et toujours ce fichu hoquet pour signaler sa prĂ©sence ! La vie des messagers est semĂ©e dâembĂ»ches.
Mais revenons au message, dont la teneur Ă©tait Ă peu prĂšs celle-ci si jâen crois maman, qui, Ă ce point prĂ©cis du rĂ©cit, se raclait la gorge abondamment avant dâadopter une voix dâoutre-tombe dont je me demande toujours dâoĂč elle pouvait bien la tirer, Ă©tant donnĂ© quâelle mesurait en tout et pour tout un mĂštre cinquante pour quarante-deux kilogrammes.
«Jâai quittĂ© Loindukonte au pĂ©ril de ma vie voilĂ trois jours, sans informer personne, afin de vous prĂ©venir que quelque chose de pas cathodique se trame. La menace vient du Nord, par la voie des airs.
Merlun, Cokine, et Dourakuire qui nâaurait ratĂ© ça pour rien au monde, tournĂšrent la tĂȘte de façon Ă voir par la fenĂȘtre orientĂ©e au Nord. Rien.
-Du Nord ? La voie des airs, dis-tu ?
-Câest cela. Des objets volants non rĂ©pertoriĂ©s, qui se multiplient Ă lâidentique et se dĂ©placent lentement mais sĂ»rement. Au garde-Ă -vous, le messager rĂ©citait son texte.
âDes objets ? Quels objets ?
-Des sortes de nuages, majesté.
Cokine donna un coup de coude à Merlun pour lui signaler que le col de sa robe de chambre baillait de façon disgracieuse.
-Des nuages ? Il y a des nuages dans le ciel et tu risques ta vie pour venir me rĂ©veiller ? Merlin, distrait, rajustait sa tenue. Le messager rompit le garde-Ă -vous et sâanima soudain.
-Mais, majestĂ©, il ne sâagit pas de nâimporte quels nuages.
-Quâont-ils de spĂ©cial ?
-Ils sont rouges et en forme de cĆur. Tous.
âEn effet, câest Ă©tonnant. Mais nâas-tu pas parlĂ© de menace ?
Merlun et Cokine échangÚrent un regard.
âĂa a commencĂ© joliment, par une traĂźnĂ©e de petit cĆurs au coucher du soleil. HĂ©las, ça ne sâarrĂȘte plus. Le rouge sâaccumule. Câest comme une armĂ©e en marche. Il nây a aucune explication rationnelle Ă ce phĂ©nomĂšne.
-Ătrange ! Et alors ?
âAlors ? Il avait presque criĂ©. Le rouge a atteint hier le Pic de la Mirandole. BientĂŽt il franchira les Troisixes et se rĂ©pandra Ă ToukontefĂ©. Ăâen sera fini de nos petits pays.
-NâexagĂ©rons rien. Merlun retenait Ă grand peine un bĂąillement.
âA Loindukonte, les gens passent leur journĂ©e nez en lâair et bouche ouverte Ă regarder avancer le rouge. Plus personne ne va travailler. Et la nuit, impossible de fermer un Ćil ! Tout le monde a peur. On fait des rĂ©serves.
-Que pouvons-nous y faire ?
-A Loindukonte, toute la vie Ă©conolique est paranysĂ©e. Les branques craignent la branqueroute. Elles ont bloquĂ© tous les savoirs. Les citoyens se rassemblent aux carrefours et sur les rond-points. Des factions se forment. Des Ă©meutes ont lieu. Bonnet blancs contre blancs bonnets. Gilets noirs contre gilets bleus. Câest trĂšs inquiĂ©tant, on nâa jamais vu ça, tout fout le camp, etc. »
En effet, dĂšs le lendemain matin, le vent dâest apporta une ribambelle de jolis petits nuages dâun rouge vif du plus bel effet, qui Ă©taient tous, sans exception, en forme de cĆur, comme le messager lâavait prĂ©dit. Ăa, une menace ? pensait Merlun. Ces kontelointains sont des poules mouillĂ©es, pas de doute. Il convoqua cependant tout ce que Salazar comptait de scientifiques, chercheurs et sachants, en un grand conseil. Ayant Ă cĆur de justifier leurs Ă©moluments, aprĂšs de longues discussions et arguties, ils prirent, comme toujours, une dĂ©cision prudente et sans consĂ©quence immĂ©diate. Ils nommĂšrent le phĂ©nomĂšne. Nimbocardiocumulus, en un seul mot. On Ă©tait bien avancĂ©.
*
Vous venez de lire le deuxiĂšme chapitre de âLes Histoires Vraies du Bougrelocheâ.
Le cadre est posĂ©, lâĂ©lĂ©ment dĂ©clencheur, le messager, a fait son apparition. La semaine prochaine nous allons faire connaissance en plus en dĂ©tail avec quelques-uns des principaux protagonistes.
Jâai Ă©crit un article en rapport avec lâĂ©lĂ©ment dĂ©clencheur du rĂ©cit, accompagnĂ© dâun podcast. Pour le lire ou pour lâĂ©couter, câest ici :
LâĂ©lĂ©ment dĂ©clencheur : 7 clĂ©s Ă connaĂźtre absolument
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Lâimage qui sert dâillustration Ă cette page est un collage que jâai rĂ©alisĂ© en agençant toutes les parties dĂ©coupĂ©es dâun jeu de 52 cartes. Câest donc une Ćuvre originale que je vous remercie de ne pas dĂ©naturer si vous dĂ©cidez dâen copier lâimage. Son titre est âLE BALâ.
Je prépare un second blog pour y partager mes travaux plastiques. Je vous tiendrai au courant de sa publication.
Enfin, vous ĂȘtes libres de prĂ©fĂ©rer les polars. Ăa tombe bien. Sur ce blog vous pouvez aussi lire âToute la LumiĂšreâ, en cliquant ici.
Merci. A bientĂŽt.
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SacrĂ©e astuce que nous donne lĂ pour fertiliser le sol d’un verger đ uriner au pied des arbres est bon pour l’arbre (si j’en crois Damien Dekarz, qui anime la chaĂźne YouTube ” Permaculture AgroĂ©cologie etc … “), boire un fut de biĂšre permet d’uriner toute la journĂ©e, bref c’est la recette miracle pour manger des bon fruit est ĂȘtre en bon santĂ©. C’est par-fait!
N’est-ce pas ? Les Ă©picuriens que nous sommes tous deux se seraient-ils reconnus ? Comment va ta courge ?
J’adore le choix des noms propres đ
Tu commences Ă devenir une fidĂšle lectrice, dis moi ! đ
Oui! Jâai aimĂ© lire ce chapitre. Je suis tout de suite rentrĂ©e dedans. Je me suis sentie happĂ©e, reposĂ©e, conquise! Bravo pour cette belle Ă©criture !
C’est un jolie compliment, happĂ©e, reposĂ©e, conquise, et qui ne manque pas de vocabulaire ! Merci Sonnya. La suite lundi prochain.