Technique narrative : Héros Vs Fatalité

Cette série de billets n’a pas d’autre ambition que d’illustrer par l’exemple des techniques narratives éprouvées.

Heros contre fatum

Revenons un instant sur La Religion, de Tim Willocks, dont je vous parlais déjà dans mon dernier billet en date « écrire une scène de combat« .

Le héros de ce roman historique au souffle puissant est un mercenaire. Enfant, destiné à devenir maréchal-ferrant à l’instar de son père, il est victime de soldats ottomans qui massacre toute sa famille et l’enlèvent. Il devient janissaire, c’est-à-dire soldat d’élite de l’armée ottomane, qu’il finit par quitter, et s’emploie à devenir riche en faisant du commerce au moment où le récit commence. Il se retrouve alors embarqué dans la défense de l’Ile de Malte, assiégée par ces mêmes Ottomans dont il a fait partie, aux côté des chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean.

Tannhauser est un personnage de héros tout ce qu’il y a de plus classique. C’est un combattant de première bourre, il est fort, intelligent, beau, grand… limite agaçant. Heureusement, Willocks n’est pas né de la dernière averse. Son grand blond souffre aussi de quelques faiblesses.

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Par exemple, il ne sait pas nager et manque se noyer. C’est un jeune garçon qui le tire de l’eau. Lui, le tueur qui s’est posé en protecteur du même garçon.

Rien de bien original, le B-A -BA du héros. Balèse, oui, mais pas trop.

Là où ça devient vraiment intéressant, c’est au niveau au-dessus.

Je m’explique.

Ce que j’entends par « niveau au-dessus » : le degré mythologique du récit.

Comment conférer un degré mythologique à votre récit.

C’est tout bête. Faites donc intervenir la fatalité.

Par exemple :

Tannhauser est certes un tueur, mais pas un mauvais bougre. En plus, il est amoureux. Au cours d’une sortie nocturne pour se renseigner sur ce qui se dit dans les lignes ennemies, il s’attarde auprès de quatre jeunes hommes, un certain Davud et trois de ses amis. Feu de camp, nuit étoilée, discussion à bâtons rompus…

Après les politesses d’usage et quelques considérations philosophiques, il apprend que le lendemain aura lieu un grand assaut dans lequel les Ottomans ont prévu d’engager toutes leurs troupes de réserve. Cet assaut sera décisif, il devrait décider de la chute du fort déjà passablement affaibli.

Tannhauser tient ce qu’il est venu chercher, une information essentielle à rapporter aux chevaliers.

Avant de quitter leur bivouac, il conseille aux quatre jeunes hommes de rester ensemble durant la bataille.

Selon lui, s’ils veulent avoir une chance de survivre, ils doivent s’entraider, se protéger les uns les autres, seuls, ils n’ont aucune chance.

Et un peu plus tard, la bataille fait rage.

Extrait :

extrait la fatalité

La fatalité vient de frapper

Et voila. Le destin impitoyable s’est manifesté. La fatalité a frappé. Pas seulement les quatre camarades, mais surtout notre héros.

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Tannhauser est un tueur. Il a été formé pour, et même s’il possède de multiples talents, il est d’abord ça, un tueur. Il en a marre de la guerre, ne croit en rien au fond de lui, tente d’organiser son évasion et celle de ses amis avant que le fort ne tombe aux mains de l’ennemi, mais quoi qu’il fasse, il est un tueur.

Même lorsqu’il essaie sincèrement de venir en aide à des jeunes gens avec lesquels il a passé un moment paisible, il échoue.

Pire encore, c’est le conseil qu’il leur a donné afin qu’ils aient une chance de survivre qui provoque leur mort à tous les quatre. Sous ses yeux.

Et comme il n’y peut rien, que fait-il ?

Il s’éloigne.

Et le tour est joué.

Ami auteur, amie autrice, si tu mets en action un personnage presque parfait pour les besoins de ta fiction mais que tu ambitionnes de le rendre un tant soit peu sympathique – c’est bien naturel -, n’oublie pas ta mythologie !

La volonté du destin, autrement nommée fatalité, lui donnera la dimension tragique dont il a besoin pour acquérir sa pleine stature de héros.

Peut-être cela te sera-t-il utile.

Là-dessus, je te souhaite une bonne journée.

A la prochaine.

Exercice :

  • Ton personnage de fiction favori.
  • Comment est-il marqué par le destin ? Par quel ressort la fatalité exerce-t-elle son emprise ?
  • Si tu trouves, c’est un héros/une héroïne mythologique. Sinon c’est un simple personnage. C’est bien aussi.
  • Comment peux-tu utiliser cela dans tes propres textes ?

À toi.

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