Méthode d’écriture et processus [Comment trouver ce qui fonctionne pour vous]

L’écriture d’un roman est un processus lent. Tout débutant qui s’engage dans ce processus doit être conscient qu’il s’embarque pour un long voyage. Comme tous les voyages, celui-ci lui réserve quelques surprises et il est impossible d’en prévoir tous les écueils et toutes les péripéties.

Mais contrairement au voyage dans un espace physique qui nécessite un déplacement et ne peut manquer de se dérouler une fois qu’il a été engagé, le voyage immobile de l’écrivain en herbe peut cesser à tout moment.

Il suffit que ledit écrivain se sente illégitime, qu’il soit attiré vers une autre étoile, qu’il préfère s’occuper de son jardin ou que son activité professionnelle l’absorbe à plein temps, que sa famille réclame toute son attention… les raisons sont nombreuses et toutes sont valables pour qu’il remise sa fiction dans un tiroir ou dans un fichier de son ordinateur et se promette d’y revenir un jour peut-être.

La principale difficulté pour venir à bout d’un chantier d’écriture au long court réside dans la solitude et dans la liberté, puisque seul l’impétrant sait ce qu’il veut accomplir et que personne ne lui colle aux basques pour le pousser à terminer. La liberté d’écrire ou de ne pas écrire peut être sa pire ennemie.

Trouver sa propre méthode d’écriture peut parfois se révéler complexe.

Pourtant, l’histoire de la littérature ne manque pas d’écrivains ayant créé une œuvre en exerçant un métier à côté. Céline était médecin, Lamartine garde du corps (de Louis XVIII), Kafka inspecteur d’assurance, Saint-Exupéry aviateur, Stendhal officier de cavalerie…

Pour vous aussi, parvenir au bout de vos chantiers, malgré la vie qui va et qui réclame toute votre attention – et c’est tant mieux car vous aurez quelque chose à raconter – va vous demander de trouver les outils qui vous conviennent et de les mettre en œuvre aux moments opportuns. Ce sera votre méthode d’écriture.

C’est un lieu commun de dire que le processus d’écriture est différent pour chacun d’entre nous. Cela sous-tend que la méthode qui marche pour Kafka ne fonctionnera peut-être pas pour moi, ni pour vous.

Cependant, il existe des moyens pour trouver son chemin parmi tous les conseils et les méthodes proposées dans les livres et sur Internet et mettre au point la méthode d’écriture qui fonctionne pour vous.

Disons une méthode pour trouver la méthode.

trouver votre méthode d'écriture

Comment trouver la méthode d’écriture qui fonctionne pour vous ?

Vous lirez trois bons conseils, je vous les fait courts, ils sont partout, vous en avez sûrement conscience.

Essayez différentes méthodes

  • Renseignez-vous sur les méthodes utilisées par les auteurs et testez-les une par une.
  • Avec ou sans plan,
  • le matin ou le soir,
  • dans la cuisine ou dans la cabane du jardin…

Planifiez votre travail et donnez-vous des objectifs

  • Un nombre de mots quotidiens,
  • un texte d’une longueur imposée,
  • explorer différents genres, même ceux vers lesquels vous n’êtes pas attirés spontanément…
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Commencez par travailler sur des textes courts avant de vous lancer dans la rédaction d’un roman

Je vous rappelle que définir un objectif n’est pas seulement donner un axe à votre travail, mais fixer un délai de réalisation, une date butoir pour aboutir.

Un peu de pression ne fait pas de mal. Pour cela les concours de nouvelles et les appels à textes des revues littéraires sont vos amis.

Ces trois conseils sont bons, très bons, mais pas suffisants. Ils laissent croire que l’écriture est la mise en œuvre de techniques et de recettes et qu’elle relève uniquement de l’artisanat.

Devenir un bon artisan de l’écriture, c’est une des étapes obligées pour produire une œuvre. Mais ce n’est pas un but ultime. C’est indispensable, mais il est possible d’aller plus loin.

Le meilleur conseil que je puisse vous donner concernant la méthode de travail

Le meilleur moyen d’atteindre l’efficacité n’est pas et ne sera jamais de copier ce que les autres font.

De la même manière que l’inspiration qui nous visite parfois ne tombe pas du ciel mais est le fruit de notre expérience, de nos rencontres et de nos lectures, la méthode d’écriture qui nous va bien est celle qui colle à notre personnalité et à nos habitudes.

Il est beaucoup plus facile de suivre son penchant que de lutter contre, je ne vous apprends rien. A partir d’un point donné, lutter contre le courant fatigue et l’issue est toujours la même, on revient au point de départ dès que l’on cesse de pagayer.

Descendre le courant, en revanche, promet de belles balades.

Suivons donc notre courant et gardons notre énergie pour l’écriture.

Attention, comprenez-moi bien. Il ne s’agit pas de suivre le courant qui nous incite à procrastiner et à trouver toujours quelque chose de plus urgent à accomplir que d’écrire cette scène délicate que nous ne savons pas comment aborder.

Je ne vous propose pas de vous engager dans une partie de Risk ou de Scrabble au lieu de vous asseoir pour écrire, ni même d’aller bêcher votre jardin, ni de changer les meubles du salon de place.

La bonne méthode d'écriture créative

Il s’agit d’examiner votre mode de fonctionnement, votre propre processus.

Comment est votre énergie ? Comment évolue-t-elle au cours de la journée ? D’où vous viennent vos envies subites ? Pourquoi justement cette action et pas telle autre ? Quand cela vous prend-il et pourquoi maintenant ?

Faites-vous la cuisine ? Êtes-vous plutôt du genre à jeter un œil dans le frigo et à composer un plat avec ce que vous y trouvez ou à suivre à la lettre la recette d’un livre ?

Quel rapport avec l’écriture ?

Je me rends compte que je me suis lancée dans des explications un peu compliquées. Prenons l’exemple de quelqu’un que je connais bien. Au hasard, moi.

Il y a quelques jours, on m’a posé des questions intéressantes. Est-ce que tu es une « auteur qui peint » ou une « peintre qui écrit » ? Est-ce que ta pratique de l’écriture a des effets sur ta création plastique ?

Et j’ai répondu que oui, tout est en interdépendance et pour moi, c’est la même chose, le même processus qui est à l’œuvre. Et que ledit processus est intimement lié non pas à une méthode indispensable et patiemment apprise que j’appliquerais, mais à la façon dont moi, être humain, je fonctionne.

Mon propre processus de création, qui peut se déployer selon deux temporalités différentes.

Exemples.

Ma propre méthode d’écriture n’est pas absolue, elle change selon le projet.

Ma pratique plastique s’articule principalement autour de collages et de peintures sur toile.

Selon que je travaille le collage, j’ai une idée, je découpe, je colle, j’assemble… et j’y passe le temps qu’il faut pour arriver à un résultat qui me convienne, parfois quelques heures et parfois quelques jours. Et c’est là. C’est aussi comme ça que je m’y prends pour écrire une nouvelle. J’ai démarré avec une idée, j’ai appliqué des techniques d’écriture pour la développer, j’ai retaillé tout ce qui dépassait, réécrit ce qui méritait de l’être. Point barre.

Mais si je travaille la peinture (le roman), dans un processus plus long, j’avance par étapes successives. Je peux laisser en plan de côté, pendant plusieurs semaines, un tableau en cours. Je fais un fonds (un premier jet) et je le laisse reposer. Je passe à côté tous les jours. Et puis un jour je passe et je sais quelle sera la prochaine étape. Alors j’y retourne. J’avance par bonds successifs, par couches, en laissant passer du temps, en laissant sécher entre chaque couche.

Ma méthode EST le processus, et réciproquement.

Je ne suis pas quelqu’un qui produit une œuvre plastique fulgurante en quelques coups de pinceau ou de crayon. Plutôt quelqu’un qui organise des espaces, quitte à déplacer des éléments, à reprendre un contour, à revenir sur une couleur. J’ajoute, j’enlève… jusqu’au moment où c’est bon. Je fais pas mal de palimpsestes aussi. Je reprends mes vieilles croûtes quand j’en ai marre de les voir et je les retravaille ou je les passe au Gesso pour peindre autre chose par dessus.

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Ça peut paraître radical mais ça me convient, c’est mon fonctionnement naturel, c’est aussi comme cela que je travaille pour le roman.

Je fais un premier jet pour libérer tout ce que j’ai à dire sur un sujet. Parfois le premier jet n’est pas terminé, au sens où l’histoire n’est pas bouclée. Mais je m’en fiche.

Je laisse reposer et je laisse travailler mon inconscient, j’ai lancé le processus. Ensuite, j’y reviens autant de fois que j’ai besoin pour que l’objet produit soit bien un roman digne de ce nom et non pas un truc informe sorti de mon imagination fertile.

A cet égard, la pratique de la peinture m’a aussi appris à ne pas trop m’attacher à mon texte.

Ça fait partie de la vie des objets de disparaître. Une peinture, c’est un objet. Un objet qui parle à quelque chose en nous, si elle est réussie, mais un objet. C’est un objet qu’on voit, un truc qui nous appelle ou qui nous repousse.

Un roman, c’est plus discret. C’est là, mais il faut l’ouvrir et le lire. C’est une démarche volontaire de la part du lecteur.

Pourtant, un texte aussi, c’est un objet (où l’on rejoint l’artisanat !). J’agis avec l’objet texte comme j’agis avec l’objet tableau, je le peaufine jusqu’au moment où il atteint sa plénitude, et pour un roman c’est un processus lent.

la meilleure méthode c'est la vôtre

Que vous apprend votre mode de fonctionnement naturel ?

Examinez vos thèmes de prédilection. Faites aussi une recherche des clichés qui naissent spontanément sous votre plume, un bon bêta-lecteur pourra vous renseigner là-dessus. Y a t-il des leitmotivs dans votre écriture, des scènes que vous êtes tenté(e) de réutiliser sous une autre forme, des mots qui reviennent ?

Quel est le rapport entre ce que vous écrivez et ce que vous vivez ? Ce que vous avez vécu ?

J’ai appris très tôt à ne pas sous-estimer l’inconscient. Je fais tout ce qu’il faut pour qu’il puisse s’exprimer ailleurs que dans des colères ou des maladies. Je lui fais donc de la place chez moi et la création, littéraire ou plastique, m’est un soutien précieux.

A une époque de ma vie, j’étais tourmentée par des problèmes familiaux. Cela s’est traduit de telle manière que je me suis mise à travailler le tissage.

Texte et tisser, c’est la même racine, le même mot latin. « Texte » est issu du mot latin « textum », dérivé du verbe « texere » qui signifie « tisser ». Pendant que je travaillais le tressage, j’écrivais pas mal de poèmes sur un thème que j’avais appelé Mafami (ma famille)… une histoire de liens. Une histoire d’ADN évoquée au moyen de fils entrelacés. Forcément tout ça travaille ensemble.

Mais pour me sentir devenir écrivain, je suis sortie de la simple expression de mon intériorité, grâce à la connaissance de mes propres ressorts, ce qui me permet d’explorer d’autres aspects, d’autres points de vue, de ne plus être uniquement dans l’écriture thérapeutique mais bien dans la fiction créative.

Et vous, à partir de quoi écrivez-vous ? Quel est le processus interne qui vous y pousse ? Que faites-vous de vos envies de départ ?

A partir de quoi écrivez-vous ?

La meilleure illustration d’un processus à l’œuvre, c’est peut-être mon chantier d’écriture en cours, le roman que je suis en train de terminer.

Au tout début, long years ago, il y a une séance de méditation (un travail sur moi, selon une expression à la mode) lors de laquelle m’arrive soudain la vision d’un château de cartes.

Puis longtemps après, il y a un jeu de cartes physique et mon travail plastique autour de celui-ci. Je l’avais oubliée mais je me souviens de cette méditation et de ce château de cartes, que je mets en image.

Je produis ensuite plusieurs tableaux en découpant des jeux de cinquante-deux cartes (+2) et en organisant les morceaux en tableaux. Avec la contrainte de tout utiliser, le jeu entier, et toujours dans un même espace, un monde fini avec quatre points cardinaux, une feuille de dessin format raisin c’est-à-dire 65×50 cm.

Il y a un début d’histoire, un élément déclencheur, la volonté ou la nécessité de tirer sur le fil… et voilà qu’un sens apparaît.

Le sens ? En agençant les mêmes éléments de façon différentes, on peut produire une multitude de scènes différentes, raconter une multitude d’histoires.

Adapter la forme au fond

Ensuite, lorsque vous savez à propos de quoi vous allez écrire, vient le moment de décider quelle forme vous allez donner à votre production.

Durant l’écriture de ce roman, je suis sortie de l’idée de départ que j’avais de construire une narration contrainte à cinquante-quatre chapitres, pour me donner plus de liberté, mais je voulais que le roman épouse autant que possible la forme du jeu de cartes dont l’histoire était née, et finalement j’y suis revenue.

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Ça ne se voit pas au premier coup d’œil, mais moi, je le sais. Le roman est construit en cinquante-quatre chapitres, répartis entre douze livres plus un fil de narration qui s’intercale à la fin de chaque livre et qui renseigne sur un autre aspect de la réalité, soit treize en tout, ce qui correspond au nombre de cartes par couleur. Le chiffre quatre est aussi très présent.

Dans le préambule j’explique les règles du jeu et dans la dernière partie je fais les comptes de la partie… enfin c’est comme ça que je l’envisage, mais ça peut très bien passer inaperçu au lecteur distrait.

En effet, cela n’empêche pas que j’ai par ailleurs respecté un certain nombre de règles applicables à la construction d’une l’histoire et aux personnages, car si mon objectif était de produire un texte dont la forme et le fond s’interpénètrent, je n’ai jamais perdu de vue que la destination finale de l’objet livre était le lecteur, et non pas mon plaisir personnel.

Faire coïncider le fond et la forme

Conscientiser les liens entre la vie et l’écriture

Dans ce roman, la forêt colonise l’espace. Pas seulement mais c’est un des aspects importants.

Pourquoi ? C’est tout bête. Le premier des tableaux à été conçu à partir d’un jeu de cartes géantes, dont les éléments étaient énormes.

Les piques et les trèfles figurant la forêt mangeaient littéralement les trois tours du milieu, pour lesquelles j’ai réalisé mon collage en pensant à Prévert et Grimaud, au château du film Le Roi et l’Oiseau. Et Grimaud, c’est aussi un fabricant de cartes… Tout s’emboîte.

En cours de route, un personnage est apparu, un narrateur qui n’était pas du tout au programme de mon projet initial. C’est une femme d’un certain âge, perchée dans un grenier et cernée par la forêt.

Ce personnage est né après mon dernier déménagement, alors que j’écrivais dans une maison avec une vue magnifique sur la baie de Saint-Paul en contrebas, en bordure de ravine, dans la forêt et en pleine saison des pluies, durant laquelle la nature s’épanouit à grande vitesse.

Tout ça pour dire que je suis incapable de séparer mon mode de fonctionnement pour l’écriture de mon mode de fonctionnement pour la peinture, même si les deux médiums ont l’air de prime abord de se développer dans deux temporalités différentes, mais aussi que je suis incapable de les séparer de ma vie, de mon quotidien.

Ce qui fait le lien entre tout ça, c’est moi.

Comment faites-vous le lien entre ce que vous vivez et ce que vous écrivez ?

Avez-vous conscience que les thèmes qui vous sont chers et la façon dont vous les communiquez vous racontent, vous, en sous-texte de l’histoire que vous écrivez ?

Savez-vous toujours où vous vous situez par rapport à ce processus ?

Le mettez-vous au service de votre lecteur, ce qui est le travail véritable de l’écrivain ?

Ce qui va vous renseigner sur la meilleure méthode d’écriture, celle qui fonctionnera pour vous, c’est vous-mêmes.

Que vivez-vous ? Comment réagissez-vous ? A quel moment votre pulsion créative se déclenche-t-elle ?

Comment avez-vous appris à fonctionner ? De quoi avez-vous besoin pour fonctionner ?

Quels sont les espaces d’intériorité qui transparaissent dans votre écriture ? Comment les transformez-vous en roman susceptible de parler à quelqu’un qui ne vous connaît pas ?

Observez-vous en train de faire quelque chose. Comment gérez-vous le temps ? Êtes-vous capable de changer d’avis au dernier moment pour essayer autre chose ou avez-vous besoin d’un cadre rigide ou semi-rigide ?

Pouvez-vous tout laisser en plan pour y revenir plus tard sans problème ou vous sentez-vous mieux en définissant de petites étapes que vous terminez à tout prix avant de passer à autre chose ?

Il n’y a pas de réponse absolue.

L’écriture d’un roman est un processus de soi à soi qui passe par un long cheminement en direction du lecteur pour finir par nous apprendre quelque chose de nous-mêmes.

Bienvenue en écriture.

l'écriture, un processus de soi à soi

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Une réponse à “Méthode d’écriture et processus [Comment trouver ce qui fonctionne pour vous]”

  1. J’aime beaucoup cette idée de laisser travailler son inconscient une fois que le premier jet est terminé, une fois que le processus est lancé !
    Et ce qui est super, c’est que c’est finalement valable pour beaucoup de méthodes et de process autres que l’écriture 🙂

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