Comment décrire un lieu : 5 clés indispensables 🎧🖋️

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Photo Tim Mossholder sur Pexels

Décrire un lieu pour situer l’action : Indispensable mais peut-être barbant

N’importe quelle histoire un tant soit peu construite a besoin d’un contexte. Même les histoires drôles ou les devinettes commencent par présenter le ou les protagonistes.

C’est l’histoire d’un mec…

Pince-Mi et Pince-Moi…

Et si possible, un contexte.

Il est tout seul le mec, dans la rue sous un réverbère… Quant à Pince-Mi et Pince-Moi, ils sont dans un bateau.

Il y a donc un élément qui joue un rôle primordial, c’est bien sûr le lieu. Le lieu bien décrit confère une atmosphère au récit et procure des sensations au lecteur.

Trois possibilités :

  • Soit c’est un lieu connu du lecteur et il plonge dans ses souvenirs instantanément, retrouvant les odeurs et les sons, à condition que la description que vous en faites, les quelques détails que vous décidez d’utiliser, soient convaincants.
  • Soit c’est un lieu inconnu (connu de vous seul, donc) qu’il vous revient d’évoquer à votre manière afin d’aider le lecteur à se représenter la scène.
  • Dernière option, c’est un lieu imaginaire qui ne ressemble à rien de connu, tout droit sorti de votre imagination. Vous allez devoir convaincre votre lecteur en lui en montrant une image fidèle.

Décrire une image avec des mots : difficile !

D’ordinaire, on fait plutôt le contraire.

Pourtant, vous êtes responsables de l’atmosphère qui plane entre vos pages et vous avez le devoir de construire des images clairement perceptibles par le lecteur.

Entendons-nous bien, le lecteur doit, grâce à vous, se représenter la scène. Certes.

Cependant il le fera toujours à partir des ses propres références, de sa grille de déchiffrement du monde. Il puisera toujours dans son « connu » pour se figurer votre « inconnu ».

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Et c’est tant mieux car ça fait partie de sa liberté de lecteur, ce serait ballot de vouloir l’en priver.

Votre responsabilité d’écrivain, en matière de description, consiste principalement à ne pas vous laisser aller à une longue description barbante qui n’apporterait rien au récit et pourrait donner à votre lecteur l’impulsion de refermer votre bouquin pour ne plus jamais l’ouvrir.

Un subtil dosage

Comme en toute chose, un subtil dosage est nécessaire.

Pas de panique ! Pour réussir, vous avez à votre disposition 5 clés indispensables, dont vous pouvez user à votre guise, ensemble, ou séparément.

Les voici :

🗝️Utiliser une technique “cinématographique”

🗝️Évoquer un événement passé

🗝️Décrire le ressenti du ou des personnages

🗝️Visualiser la scène en détails avant de l’écrire

🗝️Choisir quelques détails qui ont du sens

Les 5 clés indispensables en détails

🗝️ N°1 : Utiliser la technique « cinématographique » pour découvrir les éléments physiques du lieu

J’écris « cinématographique » entre guillemets. Pourquoi ?

Parce que le cinématographe souffre à mes yeux d’un orgueil incommensurable.

On voudrait nous faire croire qu’il est l’inventeur des techniques de narration.

Allons donc ! Comme si les auteurs avaient attendu Messieurs Lumière Frères et compagnie pour pratiquer des travellings, des plongées ou des contre-plongées ou zoomer sur un élément du décor à l’issue d’un plan large ! Elle est bien bonne !

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Comme au cinéma

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, je suis cinéphile, j’aime d’amour le cinéma, j’y ai passé des milliers d’heures riches en émotions et en apprentissage. Mais quand même, quel culot !

Lisez Victor Hugo ou Alexandre Dumas, Honoré de Balzac ou Gustave Flaubert, et voyez comment le cinéma a emprunté ses techniques à la littérature, et pas le contraire. Voyez aussi comment les peintres ont, grâce au jeu des lignes et des courbes, des ombres et des lumières, développé l’art de diriger le regard.

Décrire un lieu en technique “cinéma”, c’est donc user de votre plume comme d’une caméra, passer d’un plan large à un plan serré (ou l’inverse), longer un décor vers une découverte. Pour exemple reportez-vous à mon article Les lieux du récit, sept études de cas.

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🗝️N°2 : Évoquer un événement passé pour décrire le lieu par « l’atmosphère »

Que votre lieu soit public ou privé, il s’y est forcément déjà produit un certain nombre d’événements. Cela peut-être “la chambre où mon père est mort”, “la place où j’ai rencontré X pour la première fois”, “le train que j’empruntais déjà lorsque j’étais lycéenne pour me rendre à l’internat.

Ou bien, plus collectif, mais non moins fort, “la plaza de Mayo où les mères vont avec la photo de leurs fils disparu”, “Stonehenge où vivent les invisibles du petit peuple de la lande”, “Omaha Beach où tant de soldats ont perdu la vie”.

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Stonehenge

Choisissez vos mots en rapport avec une sensation, un ressenti en fonction de l’état d’esprit de votre personnage.

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Par exemple, “la chambre où mon père est mort” peut être perçue avec infiniment de tristesse (fils aimant), du soulagement (père maltraitant), de la crainte (on ne sait pas exactement dans quelles circonstances le vieux a passé l’arme à gauche)…

Une méthode souvent employée par les conteurs consiste ainsi à insérer une micro-histoire dans celle qu’ils sont en train de raconter, pour introduire un élément dramatique. “J’étais en train de me désaltérer au puits… vous savez, le puits où on a retrouvé la petite, l’an passé… C’était bien avant cette histoire, remarquez…

🗝️N°3 : Décrire le ressenti du personnage pour décrire un lieu

Plutôt que de faire une longue description par le détail, décrivez le ressenti de votre (ou de vos) personnage(s). Dites comment il se sent.

Plutôt que d’employer « écrasé », « tout excité » ou « inquiet », dites ses sensations physiques. Bouche sèche ou salive abondante, chaleur qui monte au front, papillon dans l’estomac, genoux qui flanchent… chaque état émotionnel correspond à des « messages » du corps. Ne vous privez pas de les employer. Tout le monde les connaît. Approchez son état d’esprit par ses sensations.

Parlez des parfums… légers, printaniers, fétides, écœurants, subtils…

Évoquez les sons… musique, bruits de voix, cris, appels, chants… bruits industriels, usines, autoroutes, chantiers… ou autres, cloches, bruits d’animaux…

Voire les goûts... qui vont souvent avec les odeurs… un goût de soufre, l’amertume, l’acidité, la suavité, le fondant.

NB : le ressenti du personnage peut coller au décor ou au contraire, être à l’opposé, en fonction des ses motivations et surtout, en fonction de ce qu’il sait et que votre lecteur, lui, ne sait pas encore (ne lui dites pas tout, tout de suite ! Laissez-le user de son imagination, faire des conjectures, supputer.)

🗝️N°4 : Visualisez la scène en détails avant de l’écrire

Si vous inventez un lieu, la meilleure façon de ne pas vous perdre : se servir de lieux que vous connaissez personnellement, quitte à les adapter.

Beaucoup d’écrivains constituent d’abord une iconographie avant d’attaquer un projet. Ils rassemblent des photos de lieux et s’en servent pour les descriptions, afin d’avoir une ancre pour leur mémoire. 

Moi, je situe la plupart de mes scènes dans des endroits que j’ai personnellement visités.

Le jardin de la maison des amis de mes parents, avec qui nous passions la plupart des vacances, devient le jardin de la maison de Mia dans Toute la Lumière.

La maison, elle, vient d’ailleurs, mais c’est aussi un souvenir personnel.

Ainsi, si je l’évoque au début, au milieu et à la fin de mon roman, lorsque des scènes s’y déroulent, je ne risque pas le « faux raccord », comme on dit au cinéma.

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La maison de Mia

Je suis assurée du décor, il ne change pas d’une scène à l’autre parce que je n’ai pas suffisamment préparé mon iconographie.

Quelle que soit la méthode que vous choisissez, souvenirs personnels ou iconographie détaillée, prenez le temps de visualiser la scène en détails avant de l’écrire.

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🗝️N°5 : Une cinquième clé pour ouvrir toutes les autres, choisissez des détails qui ont du sens.

A ce stade, vous avez en tête, avant d’écrire, le déroulement complet de la scène, les lieux physiques mais aussi les senteurs, les goûts, les sons, les sensations tactiles…

Cependant, n’en faites pas la liste ! Ce serait pire que tout.

Sélectionnez ce qui a du sens et passez le reste sous silence.

Imaginons que votre personnage soit un pâtissier au chômage que Pôle Emploi envoie postuler dans une usine de poisson… Que perçoit-il ? Comment le ressent-il par rapport à son univers professionnel de référence ?

Ou bien un personnage tourmenté, disons qu’il cherche quelqu’un. C’est très important, vital même… il arrive dans un centre commercial le jour du Black Friday, où il sait que cette personne se rendra… Il y a foule.

Allez-vous évoquer les volumes et les matériaux de la galerie marchande/vaisseau spatial? Les couleurs criardes des vitrines (kaléidoscope désordonné) ? Ou l’accumulation du noir dans les panneaux d’affichage comme un mauvais présage ? Le brouhaha de la foule et l’odeur de la viennoiserie qui se mêle aux déodorants bon marché des chalands

A vous de voir.

Mais n’oubliez jamais que l’important, c’est l’action et le ressenti de votre personnage, pas le décor.

Rappel et résumé :

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Quant à moi, j’ai choisi, pour le premier chapitre d’Histoires Vraies, de décrire assez longuement le pays imaginaire où je vais situer toute l’histoire, dans une narration non linéaire, en recourant à :

  • Plan large vers plan serré (description du pays et de son voisinage immédiat, puis arrivée dans la capitale, puis je resserre sur le palais royal puis enfin j’annonce un événement particulier qui s’y est déroulé).
  • Des anecdotes issues de l’histoire du pays (les colons, le Dégel, la construction du château de Salazar…).
  • La présentation de quelques personnages.

Je vous laisse juger du résultat, en écoutant le podcast ci-dessus, ou en lisant le texte du premier chapitre.

➡️Préambule ➡️Premier chapitre ➡️Chapitre 2

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10 réponses à “Comment décrire un lieu : 5 clés indispensables 🎧🖋️”

  1. Bravo et surtout MERCI pour cet article très instructif !
    On a tout de suite envie de se mettre dans la peau de son personnage pour ressentir comme lui les émotions et le moment décrits dans le récit… 🙂

    1. Si ça peut te servir, tant mieux. C’est le but.

  2. pierrefavrebocquet dit :

    Fantastique toutes ces précisions ! J’ai un gros faible pour “J’étais en train de me désaltérer au puits… vous savez, le puits où on a retrouvé la petite, l’an passé… C’était bien avant cette histoire, remarquez…”
    A lire cette phrase nos papilles se mettent en éveil pour immédiatement se rétracter et s’apprêter à cracher la salive que l’on a sur la langue… C’est vraiment une belle illustration !

    1. Merci Pierre-Favre ! Belle illustration aussi de ta part de l’effet physique d’une émotion !

  3. lartdesereconvertir dit :

    J’adore ton article et ton blog complet ! Je vais le garder précieusement sous le coude ça pourrait m’aider dans mon métier. J’ai toujours rêvé d’écrire un livre, peut être un jour 😍

      1. lartdesereconvertir dit :

        Chaque chose en son temps et un projet à la fois 🙂

        1. Oui, c’est mieux… même si j’ai beaucoup de mal. Tellement de sources d’intérêt !

  4. Merci pour cet article très intéressant. Personnellement il m’a fait repenser à un livre que j’avais lu au Lycée (pour mon bac de français 😊), « Malicroix » d’Henry Bosco. Les description étaient très longues et super détaillées. Elles plongeaient le lecteur dans l’ambiance mystérieuse du lieu ! Pour moi c’était l’élément principal du livre ! C’est ça l’élément qui me fait apprécié certains auteurs : la richesse de leur champ lexical !

    1. Henry Bosco ! J’ai beaucoup aimé Le Mas théotime, mais je ne connais pas Malicroix. Je vais y regarder de plus près. Merci pour le tuyau.

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